02/06/2015

B comme... Bras à louer, journaliers #Challenge AZ




Dans les généalogies comme la mienne, ils forment le gros des troupes, bataillant au quotidien pour gagner leur pain (au sens propre), menacés par les famines, la disette, on les trouve au détour de nombreux actes. On les distingue par un simple mot qui à lui seul est la trace d'une vie de lutte et de misère : Journalier.




Concours de fauchage - Sce : lamontagne.fr


LE TRAVAIL DU JOURNALIER



Ils ont été employés tant à la ville que dans les campagnes, pour réaliser toute tâche nécessitant des bras, on les appelait aussi « gens de peine », « manouvrier » ou « laboureur à bras », ce dernier terme étant assez représentatif de ces personnes qui ne possédant rien n'avaient que leurs bras à louer dans l'espoir d'en tirer quelques subsides.



Parmi mes ancêtres, "mes" journaliers vivaient principalement dans les campagnes où ils représentaient 60% de la paysannerie. On distinguait, pour faire simple, trois catégories de paysans :

  • Le journalier qui ne possède d'outil que ses bras et selon les périodes et les régions vit dans une indigence proche de celle des mendiants.
  • Le laboureur qui a un train de labour et quelques têtes de bétail. Son niveau de vie varie beaucoup de l'un à l'autre, pouvant parfois être presque aussi pauvre qu'un journalier, il lui arrive d'être aisé.
  • Le fermier qui est un gros exploitant, proche du notable.



Le journalier est celui qui pouvait travailler chaque jour 5000m2 de terre. Il intervenait où il fallait de la main d'oeuvre : semailles, labours, moisson, battage, fauchage, charbonnage, épandage de fumier, ... on devait aussi botter, vendanger et rentrer les récoltes.



Fauchage d'une parcelle - Sce : FAO



Le travail s'il était dur était surtout incertain car variant selon les saisons, selon la météo, selon les capacités de la personne...

Les ressources « amassées » pendant les moissons par exemple devaient permettre de traverser l'hiver pendant lequel on ne trouverait pas d'embauche.



Possédant parfois une masure et un lopin de terre, il pouvait faire pousser quelques légumes comme des raves




LE PRIX DU PAIN ET DES CEREALES



Leur rémunération consistait ensuite généralement pour partie en nature : céréales, pain… (on pouvait ainsi être payé en pourcentage du nombre de gerbes faites) auxquelles pouvaient s'ajouter quelques rares piécettes ou unes remise de dettes.



Prenons un exemple entre 1700 et 1750 :

(Ce court article ne se veut pas une référence chiffrée mais juste un rapide coup d'oeil. En la matière, vous trouverez d'excellents ouvrages spécialisés).

Un pain de 4 livres coûtait entre 8 et 12 sous selon la réussite des récoltes et on en mangeait environ 800g par jour et par personne (enfants compris).

Pour un couple avec 2 enfants, il fallait donc entre 30 et 40 sous par jour juste pour le pain.

Et un journalier était payé entre 8 et 10 sous, 5 sous pour une femme, 3 sous pour un enfant...


Autre exemple un siècle plus tard (1800-1810) :

Notre journalier gagne environ 1,70 franc et trouvera du pain à 30 centimes.


Mali - avenirsanspetrole.org



JOURNALIER : UN GAGNE-PAIN PEU LUCRATIF


Pour un journalier dans la force de l'âge et chargé de famille, un étude a calculé qu'il fallait plus de 400 jours de travail par an pour réussir à assurer le gite et le couvert aux siens.... malheureusement pour eux, l'année ne comportait pas 400 jours! Entre les dimanches et fêtes religieuses chômées, les périodes de gel,... le nombre de journées de travail généralement admis pour les journaliers du secteur agricole est d'environ 250.

Le corollaire de cela : l'obligation pour l'épouse et les enfants de travailler eux aussi. Mais les femmes n'étaient payés que la moitié de ce que gagnaient les hommes, quant aux enfants, cela dépendait de l'âge et de la tâche.

Dans ces conditions, le décès ou la maladie du chef de famille lorsque les enfants étaient encore en bas âge conduisait inévitablement à une situation dramatique.



Penjab - Pakistan




Que le travail soit dur était certain mais ces familles étaient accoutumées à la rudesse. Ce qui rendait l'existence encore plus compliquée étaient les variations du prix du pain.

L'espoir de pouvoir mettre de côté pour gagner mieux était faible, on rencontre cependant parfois au hasard des actes un ancêtre journalier qui devient laboureur... peut-être a-t-il finalement réussi à économiser les quelques piécettes gagnées, peut-être a-t-il gravit l'échelle sociale au hasard d'un mariage... un petit tour dans les archives notariales nous en dira parfois plus.





Sce : Association Arbre de vie


Si leur quotidien semble difficile à visualiser depuis nos maisons chauffées et nos tables bien fournies, j'ai voulu pour cet article utiliser uniquement des images actuelles, car ces dures journées de labeur qui ne suffisent pas à nourrir ou à soigner les siens, cette existence dure et parfois injuste quand une simple année difficile suffit à voir les rations diminuer, ce que vivaient nos ancêtres saison après saison est toujours aujourd'hui le mode de subsistance de nombreuses familles à travers le monde.






- Sources sur les métiers :

Les métiers d’autrefois - Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Ed. Archives et Culture



- Source sur les rémunérations et dépenses :

La valeur des biens, niveaux de vie et de fortune - Thierry Sabot, Ed. Thisa

De l'indigence à la très modeste aisance? Les journaliers de Normandie occidentale au XIXe siècle - Gabriel Désert, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/annor_0003-4134_1996_num_46_3_4735 

- Sources sur le fauchage




2 commentaires:

Elodie a dit…

Dans le Berry on les appelle "manoeuvre". Je leur rendrai hommage à l'occasion d’une autre lettre. Bonne poursuite pour le challenge !

tom_et_jerry a dit…

Merci Elodie, je lirai ce billet avec grand intérêt.