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23/04/2011

Poème familial

Cahier de poésies couvrant la période du 29 février 1916 au 24 août 1929
Blanche HUREL (1850-1931)

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Poème familial

Le sort en est jeté, sans plus de préambule,
De tout conte de fée empruntant la formule,
Sur l'heure je commence !... … …

Il était une fois,
Près de l'âtre où flambait gaiement un feu de bois,
Une chétive enfant, que la sollicitude
De parents très aimants, retenait d'habitude,
Pendant les durs hivers, au logis prudemment,
Sans songer que l'ennui fait mourir, lentement!...

Par bonheur, se trouva, cette pauvre captive,
Tour à tour d'un aïeule, à la garde attentive,
Transmise à l'autre aïeule, encor assez longtemps,
Pour voir fondre la neige et fleurir le printemps,

Et toujours, jusque là, leur égale tendresse,
Leur sut bien inspirer, avec grâce et adresse,
L'art de la rendre heureuse, en changeant ses loisirs,
Très fastidieux, parfois, en d'aimables plaisirs ! … …

Puis, tout en l'initiant aux travaux de couture,
Assise à leurs côtés, poursuivre la culture
De son naissant esprit ainsi que de son cœur,
Ne pouvant sans arrêt, de fables enfantines
Agiter les grelot, ou cloches argentines,
Au cours de leurs récits, et, comme à l'insu d'elles,
L'une et l'autre arrivaient, à soulever les ailes,
Inertes soixante ans, de quelque souvenir,
Qu'en secret, la fillette, habile à retenir,
S'efforçait d'enchâsser, au fond de sa mémoire,
Pour en redire, un jour, l'intéressante histoire......

Laissons-la donc parler :
« Du côté paternel,
Grande, mince et d'aspect distingué, solennel,
Grand'Mère conservait encor de la jeunesse,
Malgré l'âge, en ses traits, et fraicheur, et finesse,
Cependant, rarement, un sourire furtif,
Venait illuminer son visage pensif ! …

Dans ses longs entretiens, un peu comme à l'Église,
Au prône, l'officiant enseigne et moralise,
Sa voix se faisait grave, et ses sages leçons,
Impressionnaient toujours d'étonnantes façons,

Révélant, aisément, quelle existence amère,
sur son front avait mis, son empreinte sévère,
De tout temps, lui ayant prodigué les douleurs,
Et fatigué ses yeux à répandre des pleurs.

Le dix-huitième siècle, témoin de sa naissance
En l'an quatre-vingt-trois, dès sa petite enfance
Lui faisait traverser de la Révolution,
Les angoissants tourments, l'affreuse évolution :

Ses oncles et son père, au sortir de l'armée,
En la maison du Roi, récemment réformée,
Bien dignes de servir, ayant eu le bonheur,
A titre d'écuyers, d'en obtenir l'honneur,

Se flattaient, à jamais, d'y poursuivre leur voie,
Lucrative, enviée, et promettant la joie,
Contre les coups du sort de pouvoir prémunir,
Leur famille, et d'aussi, fixer son avenir.

Heureux coulaient leurs ans, … lorsque des bruits d'orage,
Assez lointains d'abord, grondèrent avec rage ! …
S'étant tous concertés, on jugea sagement
Épouses et enfants d'éloigner promptement :

Grand'Mère, dès ce jour, du malheur qui s'exile,
Entra dans les sentiers, hasardeux, sans azile,
Son tendre cœur en proie au cruel désespoir,
de partir sans son père, esclave du devoir,

Les trois frères, remplis d'un même noble zèle,
Étant bien résolus, en leur âme fidèle,
De rester à leur poste, devraient-ils en mourir,
Plutôt qu'à leur devoir de jamais défaillir ! …

Ils tinrent, en effet, largement leur parole,
Mais, l'ouragan passa, nivelant chaque rôle,
Tenant, comme suspects, tous ceux que leur passé,
Rattachait tant soit peu, au pouvoir renversé :

Avoir, honnêtement, occupé quelque place,
Auprès des Souverains, ou de la Haute Classe,
Devint, « Crime d'État » passible de la mort !...

Pour éviter l'horreur, d'un si funeste sort,
S'étant donc séparés, par différentes routes,
S'éloignant, à dessein, de celles les plus courtes,
Chacun s'achemina, vers le pays natal,
Espérant s'y soustraire, au dénouement fatal !! …

En chemin, le plus jeune, encor célibataire,
Dans soldats rencontrant, les suivit volontaire,
Ce qui le conduisit à trouver, sur leurs pas,
Dans les champs de Fleurus, un très glorieux trépas ! …
Bataille de Fleurus - 1794 -  (1)

Le second, moins chanceux, errant par la campagne,
Proscrit, qu'aucun espoir, jour ni nuit, n'accompagne,
Épuisé par des mois d'extrême privation,
Victime de la haine et de la délation,

A l'instant où pointait, à ses yeux, le mirage,
D'atteindre enfin, le but, de son triste voyage,
Il se vit, arrêté, conduit au tribunal,
Siégeant à Montdidier, justicier régional
Condamnant sans appel. Puis, en fin de journée,
Envoyé des martyrs, compléter la fournée !

Son sang fut en ce lieu, le dernier répandu ! …
Un autre arrêt, pourtant, avait été rendu,
Destinant à la mort une très jeune mère.
Le peuple soulevé, de pitié, de colère,
Quand on la descendit du cruel tombereau,
Sur les gardes fonçant, renversant le bourreau,
L'enleva prestement, laissant filles et femmes,
L'infernal échafaud, vite livrer aux flammes ! …

Quelques heures plus tard, joyeusement surpris,
On reçut la nouvelle, émanant de Paris,
Que l'infâme terreur voyait finir son règne,
Sans qu'un brusque retour, de sa part, l'on ne craigne ! …

S'il fût, dès le matin, ce message arrivé,
Notre malheureux oncle, aurait été sauvé ! …
Bien trop tard, pour beaucoup des ses enfants, la France,
De ses affreux tyrans répudiait la démence,
Honteuse d'endosser les poids de leurs forfaits,
Et d'une ère de paix, aspirait aux bienfaits ! …

Et le calme revint... Mais l'angoisse cruelle,
Longtemps subsista, pour ceux restés sans nouvelle
Du proscrit que la haine avait compté frapper,
Et qui, peut-être bien, n'avait pu réchapper
D'un aussi grand péril ! … Dans le doute et l'attente,
Que les mois semblaient longs, que l'heure coulait lente !…

Puis las d'espoirs déçus, le croyant au cercueil,
Les nôtres de l'absent prirent enfin le deuil !!! …
Grand'Mère avait alors, étant la fille aînée,
Atteint les alentours de sa douzième année,

Age qui, d'ordinaire, au cœur pur de l'enfant,
Imprime, pour toujours, un souvenir touchant
Qu'avec douce émotion, l'âme entière, ravie,
Se plait à réveiller, aux confins de la vie !

Je veux parler de la « Première Communion »,
Évoquant, pour tout cœur, la bienheureuse union
Des familiales joies et des bonheurs mystiques,
Fête, chère aux foyers, glorieuse aux basiliques,
Montrant l'autel paré de l'éclat des grands jours,
Et, des chants transportant aux célestes séjours !

Il n'en fut point ainsi, pour la triste fillette !
Sous un bien humble toît, dans Amiens, la pauvrette,
Depuis un certain temps, veillait à tous besoins,
Prodiguant, jour et nuit, ses plus vigilants soins,
A sa chère maman, succombant de misère,
Et près de son frérot, suppléant à sa mère,

Ce qui ne l'empêchait, en gérant le bercail,
De l'enrichir un peu du gain de son travail,
Car, de ses doigts menus, se montrant très agile
A coudre, à repasser, elle était fort habile ! …

Pour elle, en ces jours, vint le solennel moment,
Du pieux enseignement, parfait couronnement
Longuement préparé dans le silence et l'ombre !

Une nuit, elle alla, sous son vêtement sombre,
(Nullement réhaussé de signes apparents),
Sans cortège affectueux d'amis ni de parents,
Vers un grenier perdu (devenu presbytère
Et chapelle à la fois) et là, dans le mystère,
Sans pompe, sans flambeaux, mais bien dévotement,
Premièrement reçut, le divin Sacrement,
De la tremblante main, d'un prêtre vénérable,
Caché dans le secret de ce lieu misérable,

A ce moyen extrême ayant été réduit
Pour s'éviter le sort, digne seul d'un bandit,
Que luis aurait valu, sa fidèle constance
A son loyal devoir, à sa saint croyance ! …

De ces faits, la mémoire, image de douleurs,
A Grand'Mère, toujours faisait verser des pleurs,
Et, quand, sur ce sujet, notre jeune imprudence
Osait l'interroger, envers la Providence,
Elle excitait en nous, par la comparaison,
L'élan reconnaissant, de la juste raison ! …

(inachevé - Plusieurs pages blanches suivent qui n'ont jamais été remplies)

(1) Artiste Jean Baptiste Mauzaisse - Bataille de Fleurus, victoire française du général Jourdan, le 26 juin 1794, contre l'armée autrichienne menée par les princes de Cobourg et d'Orange. A gauche de Jourdan, Saint-Just en mission, à droite Marceau, Kléber et Championnet.  (Source wikipédia)

10/04/2007

Lettre de Denis

Bonjour,

Je m'appelle Denis, j'aurais 232 ans si je n'avais pas eu la mauvaise idée de décéder le 11 mars 1842 à Saint Cloud, près de Paris, où je m'étais établi comme boulanger. Je réussis d'ailleurs si bien dans ma profession que l'on dit que je fournissais les petits pains de l'Empereur Napoléon III.

J'ai communiqué ma passion pour ce beau métier à mon fils et mon petit fils.

D'après mon acte de naissance, je suis né en Normandie le 5 septembre 1774, à La Madeleine Nonancourt.

Ma famille venait (dit-on) de Dublin et l'un de mes ascendants directs était échevin. Il sont venus d'Irlande en France, mais je ne me souviens pas quand, ni pourquoi. Pouvez- vous m'aider à retrouver la mémoire ?

Denis GONORD

14/01/2007

Armistice




Cahier de poésies couvrant la période du 29 février 1916 au 24 août 1929
Blanche HUREL (1850-1931)

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Lorsque je pressentais, que bientôt notre France,

Allait voir terminer, ses tourments, sa souffrance,
Je ne soupçonnais pas, que son glorieux destin,

Dès l'aube, éclaterait, un si proche matin,
Le Tout-Puissant ayant, à si courte échéance,
Du monarque félon, fixé la déchéance,
Comme un fragile jouet, brisant cet orgueilleux,
Qui voulait l'égaler et régner en tous lieux!....
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Par ce coup imprévu, plus prompt que le tonnerre,
La Divine Justice a transformé la terre :

Chacun va recueillir le fruit de son effort,
Selon l'oeuvre accomplie, ou voir sombrer au port,
Le bateau surchargé du poids de ses rapines,
Et s'effondrer le trône assis sur trop de ruines.
"Les combats sont finis!! Retrouvez la fierté!
"Chers Proscrits, chers Captifs, voici la liberté!!!"
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L'ordre, longtemps perdu, quand la paix va renaître,
Ramènera pour tous, le calme et le bien-être,
Que nous croyions, hélas! Ne plus jamais revoir,
Malgré, qu'au fond du coeur, nous conservions l'espoir,
Que de nos défenseurs, l'héroïque constance,
Récolterait, un jour, sa juste récompense.
L'heure en vient de sonner : affolé de bonheur,

Le peuple les acclame et chante en leur honneur,
Tandis que le canon, cause de tant de larmes,
Proclame à grand fracas, la fin de nos alarmes,
Et que, de tous clochers, les carillons joyeux,
Invitent les croyants, à rendre grâce aux Cieux.
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Cet appel entendu, tout un flot de fidèles,
D'un élan spontané semblant trouver des ailes,
Vole au Temple, exhaler un immense concert.
Et moi, qui du péril, par Vous, fus à couvert,
Coeur Sacré de Jésus, quand Vous sauvez le monde,
Mon être, tout secoué, d'une émotion profonde,
N'a plus de souffle, assez, pour louer vos grandeurs,
Et pour Vous remercier, ne trouve que des pleurs!....
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Je partage pourtant l'unanime allégresse
Qui déborde des coeurs, soudain pleins de tendresse,
Et Vous bénis, Seigneur, vouant mes derniers jours,
Dans ma reconnaissance, à Vous bénir toujours,
Mais, cinquante-deux mois, passés sous les tempêtes,
Sans cesse rejetés, des succès aux défaites,
Nous ont déshabitués, de nous sentir heureux,
Et, c'est timidement, qu'on ose être joyeux....
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à la folle gaïté, Paris pourtant s'adonne,
En pareille occasion, vraiment cela détonne!
Ne vaudrait-il pas mieux, moins de nervosité,
Et dans ce grand bonheur, garder la dignité?
Quatre ans nous ont marqués, d'empreintes si cruelles,
Que nous en garderont des traces éternelles,
Chaque famille ayant fermé plus d'un cercueil;
Modérez vos transports, respectez leur grand deuil!!.....
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De nos héros tombés, si remplie est la liste,
Que l'on ne peut songer, que d'une âme fort triste,
Que la victoire acquise, au prix de leur trépas,
Et le triomphe actuel, ils ne les voyent pas!
Quand leurs frères vivants, sont fêtés, pleins de gloire,
N'allons pas négliger, leur précieuse mémoire!
Dressons leur, au plus tôt, quelque pieux monument,
Durable attestation de leur grand dévoûment,
D'âge en âge, enseignant leur conduite sublime,
Digne d'admiration et des honneurs ultimes ;
Surtout, obtenons leur, par des voeux solennels,
Leur prompte inrtoduction, aux Parvis Eternels!!....
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Que le Dieu très-Clément, doux Maître qui pardonne,
à qui rien n'est caché, leur donne la couronne,
Que leur foi, leur martyre ont su leur mériter!.....
Celle que, sur leur tombe, il nous faut leur porter,
Comme tout, ici-bas, est frèle et corruptible,
Celle reçue au Ciel, est sainte, indestructible,
Et confère, aux Elus, un très puissant pouvoir :

Ils veilleront sur nous, caressons en l'espoir!....
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Ils combatteront encor, pour le Patrie aimée,
Où leur sang fit germer, une invincible armée ;
Aux fondements précis, de la Paix de demain,
Leurs bataillons sacrés, voudront mettre la main!!...
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"Louons tout artisan, de la Grande Victoire,
"Mais aux Grands Disparus, surtout honneur et gloire!!..."
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(11-17, Novembre 1918)

Première photo en haut (Sce wikipedia)
:
Cette photographie est prise dans la forêt de Compiègne, au pied du wagon-salon du train de Foch où vient d'être signé l'armistice. Ce wagon fut réquisitionné auprès de la compagnie Compagnie Internationale des Wagons-Lits afin d'être affecté au train de l'état-major. Le maréchal Foch est au premier plan, second sur la droite, entouré par les deux amiraux britanniques Hope et Rosslyn Wemyss.

Deuxième photo : Guerre 1914-1918. Fête de l'Armistice, place de la Concorde, par Paul Seguin-Bertault (1869-?). Paris, Musée Carnavalet. RVB-02032

Dernière photo (Source : http://vannes1418.canalblog.com)

Petite Soeur Ainée


Cahier de poésies couvrant la période du 29 février 1916 au 24 août 1929
Blanche HUREL (1850-1931)


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Ta naïve question, de ma petite enfance,
Mignonne, a réveillé l'aimable souvenance,
Ecartant, brusquement, des brumes du lointain,
Une claire vision de mon jeune matin!....

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Mais oui! j'ai su l'aimer, cette soeur inconnue,
Ange envolé de terre, avant notre venue
à Mathilde et à moi, laissant incosolés,
Nos Parents, de sa perte, à jamais désolés,
Car l'amour, dans leur coeur, fût si grand, si vivace,

Qu'il sut toujours garder, à l'absente, sa place,
Comptant la retrouver, un jour en Paradis.
C'est ainsi que nos yeux, etonnés, interdis,
(Quoiqu'à nous parler d'Elle, éprouvant quelques charmes,)
Virent notre Maman, souvent, verser des larmes!....
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Parfois, on nous menait visiter un enclos,
Où le bruit de nos pas troublait seul les échos,
Et là, nous fleurissions, sans jamais être lasses,
Comme on fait des autels, ou des Saintes les châsses,
Un humble monument, qu'en ma pauvre raison,
De bien petite enfant, je croyais sa maison!!...
Si tôt qu'on nous eut dit : "C'est ici que repose

"Votre première Soeur," d'un baiser, d'une rose,
Sans bruit, je lui fis don, respectant son sommeil
De crainte que ma voix ne hâta son réveil :
Mais, je ne pouvais pas m'expliquer ce mystère,
Qu'elle pût être aux Cieux, et dormit sous la terre,
Ayant appris déjà, qu'En Haut sa protection,

Nous devait obtenir, de Dieu bénédiction!
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J'aimais à prononcer son doux nom de Marie,
J'aurais voulu la voir, et d'une âme attendrie,
Je pensais tristement, que jamais à nos jeux,
Elle ne prendrait part, dans un élan joyeux!
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D'Elle je m'étais fait la plus charmante image,

Et je reconnaissais son gracieux visage,
Parmi les Chérubins du cortège officiel,
Des blanches Assomptions, de la Reine du Ciel.
Mon esprit enfantin faisant un doux mélange,
De son cher idéal, de celui du bon ange,
Qu'on m'avait annoncé devoir veiller sur moi,

Fondus dans un seul corps, les montrait à ma foi,
Et je les invoquais, ensemble, en ma prière,
Le soir, en m'endormant, dans les bras de ma mère.
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Quand, la fièvre rendanit mon regard trop brillant,
"Que je sentais, la nuit, sur mon front tout brûlant

"Passer un souffle fais, je me disais "C'est Elle,
"Qui s'en vient m'éventer d'un doux battement d'aile,
"Ayant, du bon Jésus, reçu la permission,
"De remplir près de moi charitable mission!"
Sûre qu'elle plânait, tendrement, sur ma couche,
Le calme revenait, arrêtant sur ma bouche,

Les mots reconnaissants, un beau rêve flatteur,
M'entrainant, à sa suite, en un monde enchanteur.
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Plus tard, lorsque je fus une assez grande fille,

Pour apprécier, au mieux, les soins de ma famille,
Heureuse, lui donnant toute mon affection,
De vivre à ses côtés, je n'eus d'autre ambition,
Mais, sachant qu'ici rien, hélas! jamais ne dure,
Qu'il faut bien, tôt ou tard, des chagrins on endure,
Je tremblais, constamment, de perdre mon bonheur,
D'autant qu'ayant songé, malgré son grand honneur,
Sa gloire des Elus, que la petite Ainée,

De ce monde partie, en sa première année,
Peut-être regrettait, au Céleste Séjour,
De ne pouvoir goûter, comme nous, chaque jour,
La suprême douceur, l'ineffable allégresse,
Du maternel amour, dans toute sa tendresse.
Et comprenant fort bien, qu'elle put souhaiter
De posséder les siens, et aussi d'en hâter
Le départ pour les Cieux, par sa prière ardente,

Sans trève, j'endurais une cruelle attente,
Croyant mes bien-aimés, tout prêts à m'échapper,
Sitôt qu'un léger mal venait à les frapper.
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Alors, desespérée, en ma grande misère,
Vers mon Ange gardien, faisant appel sincère,
Le coeur gros de soupirs, les yeux remplis de pleurs,
J'exprimais dans ce cri, l'excès de mes douleurs :
"De ma terreste joie, ah! ne sois pas jalouse!
"N'abrège pas son cours, bien au contraire épouse
"Ma cause auprès de Dieu, demande, à sa bonté,
"Qu'Ils me restent longtemps! Tu as l'Eternité,
"Que t'importe d'attendre, ou des ans, ou des heures!....
"Dès qu'ils t'auront rejointe aux divines demeures,
"Vous serez réunis pour ne plus vous quitter,
"Tandis que moi, sur terre, ayant à m'acquitter
"Du devoir imposé de poursuivre ma route,
"Sans appui, sans conseil, sans affection sans doute,
"Je resterai toujours, en proie au désespoir!!
"Epargne- moi, de grâce, un avenir si noir?
"Ô toi! qui me garda en ma chétive enfance,
"Petite Soeur du Ciel, reste mon espérance,
"Protège les chers miens, épargne leur toujours,
"Les dangers et les maux, prolonge moi leurs jours!!".....
----------

Pour rendre, à son pouvoir, un véridique hommage,
Jamais, je n'attendis, en vain, son patronnage!....
Comme on voit du soleil, la bienfaisante action
Embellir la nature, après l'inondation,
Mes craintes s'envolaient, comblant ma chère envie,
Et bientôt, de nouveau, je riais à la vie!...
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Ces souvenirs là, sont, d'il y a bien longtemps!....
Depuis, tout est changé, entrainé par le temps,
Qui sut, autour de moi, creuser de nombreux vides,
Et sur mon front, graver de bien profondes rides,
Seul, en dépit ed tout, mon coeur toujours aimant
Est demeuré fidèle à son passé charmant,
"Aussi", le croirais-tu, "chère petite Fille?"

Vers le guide assuré, gardien de ma famille,
En ces moments troublés, pleins de désolation,
Il fait monter, soudain, la même invocation,

Sur ma lèvre, plaçant, la pressante prière,
Qu'autrefois j'exhalais en ma souffrance amère,
Confiant qu'il viendra, mon Divin Messager,
Briser, de l'ennemi, le succès passager,
Et tenir sous son ombre, en ce péril extrême,
à l'abri du malheur, tous les êtres que j'aime!!....
---------
Après avoir émis, ce fortifiant espoir,
(Fin Juin Mil neuf cent seize) en t'écrivant, un soir,
Du pays, trente mois, dura l'affreuse épreuve,
Sans nous même effleurer!... N'est-ce pas une preuve,
Que bien fondée était, ma ferme conviction,
Que nous serions sauvés, par son intervention?
En ces temps victorieux, chère Enfant, que ta louange
Tout en glorifiant Dieu, vers mon Fraternel Ange,
Qui su si largement, nous prêter son secours,
S'unissant à ma voix, monte dans ces Grands Jours!!!....
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(à ma petite Andrée Gonord) (Juillet 1919)

Le Vingt-neuf Février



Cahier de poésies couvrant la période du 29 février 1916 au 24 août 1929
Blanche HUREL (1850-1931)
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Le Vingt-neuf Février!!! Jour qui me renouvelle,
D'un premier grand chagrin, la date si cruelle,
Toi, qui tous les quatre ans peut seulement venir,
Je t'ai vu te lever, et te verrai finir,
Pour la première fois, depuis cinquante années,
Au culte du devoir fortement enchainées,
Sans qu'il me soit permis, en atteignant au but,
D'aller, à mon Aïeule, offrir mon pieu tribut,
De constante affection, ed regret inlassable!...
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Prisonnière au logis, sous le joug, haïssable,
D'un retour importun d'ancienne infirmité,
J'en ressens un ennui vraiment illimité,
Car, personne, aujourd'hui, ne va l'avoir fleurie,
La tombe vénérée, où sa cendre chérie
Repose, en attendant l'Instant Libérateur!
Dès longtemps, ormis moi, nul autre visiteur,
Ne venant réveiller, ou réjouir, son ombre,
De ceux qu'elle a connus s'étant dissous le nombre,
Et sa sainte mémoire, effroyable rancoeur,
N'ayant plus, ici-bas, ed temple, que mon coeur!
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Bientôt, hélas! bientôt, ceux de sa descendance,
Ne s'inquiéteront pas s'ils lui doivent naissance,
Vers leur source jamais ne remontant les eaux!
Quand je l'aurai rejointe au séjour des tombeaux.
Il n'est donc que trop vrai, qu'en ce monde, aucun être,
Ne saura, plus jamais, l'aimer ni la connaître,
Rien, malheureusemebnt, en écrit, en portrait,
N'ayant su fixer d'elle, aucun durable trait!
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Je les ai pourtant là, bien vivants, en mon âme,
Ce visage accueillant, ces doux yeux dont la flamme
Semblait tout embellir, de leur vive clarté,
Et répandre sur nous, joie et sérénité!....
Je me souviens aussi, qu'en mon complet ensemble,
Seule, parmi les siens, en tout, je lui ressemble,
Mais, combien différente, (on peut le remarquer)
Les ans ayant, sur elle, omis de se marquer,
Elle gardait, toujours, un aspect de jeunesse,
Un esprit inventif, subtil, plein de finesse,
Une aimable fraicheur : sous ses épais bandeaux
De teinte à peine grise, ainsi que des rideaux
Encadrant son front pur, vierge de toute ride,
Que de baiser toujours ma lèvre était avide,
Et que, j'aimais lisser, avec un soin jaloux,
Tandis que me tenant, enfant, sur ses genoux,
Elle me racontait d'amusantes histoires,
Qu'elle mêlait, parfois, aux récits de nos gloires.
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N'oublions pas, non plus, de son fond bienfaisant
L'immense charité, le ressort agissant,
De son coeur grand ouvert, quelle était l'étendue,
Quel secours effectif, sa main toujours tendue,
Offait, spontanement, à toutes les douleurs,
Dont elle tarissait secrètement les pleurs!....
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Ce que j'ai, cependant, vénéré plus en Elle,
C'est de m'avoir donné, des mères, le modèle,
Ce sublime idéal de toute perfection,
Objet de mon amour, de ma prédilection,
Qu'elle avait su former, vraiment à son exemple,
De si haute valeur, et de vertu si ample,
Et doter; à jamais, d'un merveilleux trésor,
Plus précieux mille fois que la science et que l'or,
Lui ayant inculqué, dès sa plus tendre enfance,
Des préceptes d'En Haut, la divine semence,
Une invincible horreur pour tout ce qui est faux,
Grande ardeur au travail, et le culte du beau.
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Au bonheur de chacun, employer son adresse,
Se sacrifier sans cesse, à force de tendresse,
Gâter les tout-petits, toujours à profusion,
Tel était son plaisir! en plus d'une occasion,
Elle l'a bien prouvé, l'adorable grand'mère!
Soucieuse d'écarter, des siens, la coupe amère,
Elle se réservait, en sa grande bonté,
Voilés sous le sourire, ennuis, anxiété :
C'est ainsi que célant, jusqu'à l'heure dernière,
Le mal qui l'oppressait, s'est close sa paupière!....
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Ce sont là documents capables de servir,
à sauver de l'oubli son précieux souvenir!....
Si cela se pouvait?... Si je pouvais prétendre
Que ma débile voix, du Ciel se fasse entendre,
Et m'obtienne de voir, d'une telle mission,
Avant mon dernier jour, la réalisation?....
Oui! Seigneur, empêchez qu'entière elle meure!
Ordonnez, qu'après moi, sa mémoire demeure,
D'âge en âge, transmise à ses derniers enfants,
Afin qu'ils sachent bien, s'ils restent triomphants
Des embuches du mal, et sentent en leurs âmes,
Pour le droit méconnu, brûler d'ardentes flammes,
Ou dans leur coeur, vibrer quelque chose de bon,
Que la vaillante Ancêtre en a légué le don,
En apportant la vie, à sa droite lignée,
N'importe le degré qui l'en tienne éloignée!....
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En regardant en soi, chacun pourrait y voir,
Apparaitre, comme en un magique miroir,
Quelque point saisissant d'exacte ressemblance,
Digne, certainement, de sa reconnaissance!....
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Jadis, on conservait, des héros valeureux,
Sur le marbre, gravés les exploits merveilleux;
Cet usage, observé dans les nobles familles,
Servait à enseigner, à leurs fils, à leurs filles,
Le respect des aïeux, l'estime de leur nom,
Le désir d'égaler, plus tard, leur grand renom,
Glorieux de reproduir, d'aussi parfaits modèles,
De la foi, du devoir, toujours champions fidèles;
Puis, à leur tour, passer à leurs générations,
Des plus hautes vertus, les saintes traditions,
Et le soin de garder, intact, en digne place,
Avec un juste orgueil, tout l'honneur de la race!...
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Si plus modestement, les nôtres ont passé,
Si de leurs plus hauts faits nul ne s'est empressé
De prendre bonne note et d'écrire l'histoire,
Cela ne prouve pas qu'ils vécurent sans gloire,
Et n'ont pu dépasser, par leurs beaux sentiments,
Ceux auxquels on dédia de pompeux monuments!
La meilleure nobless étant celle des âmes,
Que n'égalerait pas, même celle des armes,
Si on les séparaient, j'ai de bonnes raisons
Pour proclamer ici, qu'en nos humbles maisons,
S'épanouissent souvent les vertus les plus rares,
Ces fleurs, dont les palais sont parfois très avares;
Pourquoi n'en pas fixer les suaves odeurs,
La forme variable et les fraîches couleurs??....
Mais, pour mener à bien cette oeuvre de lumière,
Nous manque absolument, la matière première!....
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Si des temps révolus, sans guide, nous voulons
Tenter de remonter les disjoints échelons,
Après nos premiers pas, toujours en petit nombre,
Nous atteignons le vide, et ne voyons que l'ombre :
De même pour parler de ceux qui ne sont plus,
Présenter leur exemple, exalter leurs vertus,
Et rêver d'en garder l'exacte connaissance,
à ceux qui surviendront, après notre existence,
Il faudrait avoir su, par un constant effort,
Arracher leur mémoire à l'oubli de la mort?....
Lourdement engourdis dans notre quiétude,
Nous restons inconscient de notre ingratitude
Envers ces devanciers qui tinrent un noble rang,
Et dont nous sommes fiers de posséder le sang,
Cette contradiction, vraiment inexplicable,
Aux siècles ignorants seulement excusable,
A privé quelques uns, peut-être par légion,
De propager, du bien, la saine contagion!...
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Maintenant, il faut suivre un clair flambeau qui brille!
Comme les anciens Preux, ayons dans la famille,
Quelque livre d'or où, nous enregistrerons,
Ses faits les plus marquants, ses meilleures actions!
Réparons sans délais une erreur condamnable,
Nous hâtant d'en solder la dette misérable :
Moi-même, dès ce jour, me pressant de l'ouvrir,
Avec tout mon amour, je veux le recouvrir,
Ce livre précieux, sur sa première page,
Des louanges qu'on te doit ; acceptes en l'hommage¨
Ô, Grand'maman chérie! Et puisqu'en ton honneur,
Je vais l'inaugurer, porte lui donc bonheur!
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(29 Février 1916)